Techniques de production : le cœur du différend
Produire une eau-de-vie de fruits : la distillation comme art
Distiller, c’est séparer l’essence du fruit de sa matière. Pour la plupart des eaux-de-vie françaises, la marche à suivre est la suivante :
- On commence par la fermentation du fruit entier, mûr, souvent cueilli à la main. Plus le fruit est riche en sucre, meilleure sera le rendement (exemple : la mirabelle de Lorraine, qui titre facilement 14-16% de sucre à maturité).
- Ce moût est ensuite distillé, le plus souvent en alambic à repasse en cuivre. Les distillateurs les plus exigeants recueillent uniquement le « cœur » de distillation, là où les arômes sont les plus purs et les composés indésirables les moins présents.
- La réglementation impose pour une eau-de-vie française entre 37,5% vol et 55% vol, selon la catégorie et la tradition locale.
- L’élevage sous bois n’est utilisé que pour quelques fruits (prune = Vieille Prune), d’autres restent limpides, gardant toute la transparence du fruit distillé (poire William, framboise…)
Le geste du distillateur, la conduite de la chauffe, la sélection des fruits sont essentiels, chaque détail se retrouve dans le verre. Les eaux-de-vie alsaciennes (poire, quetsche, kirsch) sont parmi les plus réputées au monde, aux côtés de la fameuse slivovitz d’Europe de l’Est.
Concevoir une liqueur de fruits : dosage, infusion, assemblage
Rien à voir ici : pas de distillation de fruit frais, l’acte fondateur est l’assemblage.
- On commence par faire infuser ou macérer le fruit dans un alcool neutre à fort degré (généralement entre 60% et 96% vol).
- Après plusieurs jours ou semaines, on filtre, puis on rajoute du sucre, parfois du sirop de glucose, et selon la maison, des arômes ou des colorants d’origine naturelle ou non.
- Certains producteurs de liqueur (comme Giffard ou Combier, pionniers ligériens) travaillent en infusion à froid ou à chaud, d’autres en extraction par ultrasons ou sous vide pour préserver les arômes volatils du fruit.
- Le taux de sucre dépend de la catégorie : liqueur = minimum 100g/L, crème = minimum 250g/L, d’après les normes européennes.
- Le titrage alcoolique est toujours inférieur à celui des eaux-de-vie : généralement comprise entre 15% et 40% vol, selon le type et le marché visé.
La liqueur n’est pas un produit brut : c’est toujours une construction, où le travail du liquoriste évoque celui du cuisinier-pâtissier.