La fermentation : une partition naturelle contrôlée
Une fois extrait, le moût de pomme s’offre à la fermentation. Ici, la main de l’homme dialogue avec l’invisible : levures indigènes, choix des cuves, températures, durée… Rien n’est laissé au hasard, surtout lorsque l’objectif n’est pas de boire le cidre, mais de le distiller.
Levures indigènes ou levures sélectionnées ?
Jusqu’au XX siècle, la fermentation reposait intégralement sur les levures naturellement présentes sur les fruits, les équipements ou dans l’air de la cave. De nos jours, certains producteurs (notamment en appellation ou bio) perpétuent cette méthode, gage d’expression du terroir et de complexité aromatique. D’autres, soucieux de stabilité, optent pour des levures oenologiques sélectionnées adaptées au jus de pomme : Saccharomyces cerevisiae en majorité, mais aussi d’autres souches spécifiques au monde cidricole (source : IFPC).
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Levures indigènes : fermentation plus lente, diversité aromatique, maîtrise parfois aléatoire.
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Levures sélectionnées : démarrage rapide, arômes plus ciblés, profil régulier et sécurité accrue.
Fermentation alcoolique : la transformation du sucre en alcool
Le cœur du processus : les levures convertissent les sucres fermentescibles (fructose, glucose) en éthanol et en CO. La plupart du temps, le cidre de distillation titre entre 5 et 7 % vol. d’alcool. À la différence d’un cidre de consommation, il reste généralement sec (moins de 20 g/L de sucres résiduels), parfois légèrement plus brut selon la maturité de la pomme ou le choix du producteur.
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Température de fermentation : entre 8 et 18 °C. Les températures basses favorisent une fermentation lente (jusqu’à 6 semaines), garantissant finesse et préservation des arômes fruités.
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Durée : de 15 jours à 4-6 semaines.
Astuce d’artisan : certaines maisons du Pays d’Auge préfèrent la lenteur, n’hésitant pas à prolonger volontairement la fermentation sur plusieurs mois, jusqu’à la distillation (qui, en appellation, ne pourra avoir lieu qu’au printemps suivant la récolte).
La fermentation malo-lactique : choisir l’équilibre
Comme dans le vin, les cidres peuvent connaître une fermentation dite « malo-lactique », déclenchée par des bactéries lactiques qui transforment l’acide malique (très présent dans la pomme, saveur verte) en acide lactique (plus doux, plus rond). Cette étape est recherchée par certains, évitée par d’autres : elle adoucit le cidre et peut limiter la stabilité aromatique pour la distillation.
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Dans le Pays d’Auge : stabilité avant tout : la malo-lactique est souvent bloquée (par refroidissement, filtration, sulfitage léger).
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Dans le Domfrontais : acceptée, voire recherchée, pour donner du moelleux au cidre de poire, naturellement plus acide.